Mieux vaut tard que jamais… voici enfin le résumé de nos aventures en Iran, notre destination à l’est.


La frontière

La famille Gardi nous avait prévenu: l’est du Kurdistan irakien, la région de Suleymaniye, est fortement influencée par l'Iran. Les maisons où nous étions accueillis dans cette région avaient souvent de la famille en Iran ou parlaient le farsi, la langue perse. Doté de notre test PCR, ainsi que de notre visa pour l’Iran; récupéré au consulat Iranien à Erbil nous nous présentons à la frontière sans aucune certitude: la France fait partie des pays interdits pour l’Iran à cause du nouveau variant omicron. Pourtant nous arrivons de Turquie et d’Iraq, qui, eux, ne sont pas interdits, nous devrions pouvoir passer. Mais au premier guichet, le militaire Irakien ne veut pas nous tamponner le passeport parce que “les iraniens ne nous laisseront pas passer”. Nous insistons, nous présentons notre visa. Le militaire téléphone alors à plusieurs personnes. Nous patientons de longs quart d’heures. Nous sommes conduits alors devant d’autres guichetiers, puis d’autres personnes dans des bureaux des bâtiments de la frontière où personne n’est en mesure de résoudre notre problème. La situation est très fatigante pour nous et très stressante. Enfin, nous sommes conduit dans le bureau d’un militaire, sans doute le plus haut gradé d’après son uniforme et la taille du bureau : il ne regarde même pas nos visa ni nos papier et balaie la question de notre guichetier d’une phrase, que nous ne comprenons pas, mais qui fait fléchir la décision en notre faveur. Victoire ! Nos passeports tamponnés nous permettent de nous présenter à la frontière iranienne. Là, avec nos vélos, on nous regarde avec surprise et amusement. Nous avons l’habitude. Il y a beaucoup d’autres personnes, beaucoup de familles, qui passent la frontière comme nous : ce sont tous des Kurdes irakien et iranien qui passent rapidement les contrôles. Pour nous, le cirque et le stress que nous avons vécu côté iraquien reprend : on ne veut pas nous laisser passer. Finalement le policier nous demande de payer 100$, que nous finissons par négocier à 50$, mais ça sera 75$ parce que nous n’avions que des grosses coupures de 100… Bref, un peu de corruption, d’insistance, de patience et nous voilà passé, mais épuisés et stressés. 


Le Kurdistan iranien

Nous voici donc enfin en Iran ! Pourtant ce passage de frontière ne nous a guère rassuré. Nous pédalons un peu, inquiet d’un pays ou la police nous extorque de l’argent pour rentrer. Nous le savons, le monde est dur mais ça fait toujours mal pour les gentils bourgeois privilégiés que nous sommes de nous découvrir à la merci d’autrui. Sascha, notre ami voyageur, nous rassure sur instagram: ça arrive souvent, c’est la vie, il faut accepter les règles de ce jeu: on aurait pu attendre encore une heure et on payé sans doute encore moins cher nous apprend-il. C’est donc un peu en colère et inquiet aussi que nous pédalons sur une route vide en direction d’un petit village que nous apercevons au loin. Dans un nouveau pays, on se demande quand même comment nous serons reçus. Ça ne manque pas: une voiture s'arrête, curieuse de notre équipage. Le conducteur ne parle ni anglais, ni allemand, et je réalise que le traducteur perse de mon téléphone ne fonctionne qu’avec internet, auquel nous n’avons pas accès… mais comment faisaient les gens avant ? Je me lance dans une succession de mimes pour expliquer que nous venons de France: le nom “Paris” résonne aux oreilles des gens jusqu’au bout du monde et que nous cherchons un endroit où dormir. Le conducteur sourit à mes gesticulations - le sourire est un geste de compréhension si rassurant - et nous fait signe de le suivre. Nous dormirons au chaud ce soir !


Salah, notre premier hôte iranien


Finalement peu de choses différentes de ce côté de la frontière. On dort et dîne au chaud près du poêle sur des tapis. Jusqu’à Kermanshah, nous dormirons chez de généreuses personnes, curieuses de notre voyage et un peu fascinées par les européen que nous sommes.


Habillé en kurde. Mais attention, le turban est noué à l'iranienne, et non plus iraquienne !


À Kermanshah nous logerons deux jours chez les cousins de ceux qui nous avaient hébergés à Suleymaniye en Irak. Nous visitons avec eux cette ville sous la neige. Un des plus beaux bazars que nous ayons vu. Quelle splendeur toutes ses couleurs et ces odeurs d'épices.


Le bazar de Kermanshah


Dans le froid jusqu’à Ispahan

À Kermanshah nous nous levons un matin sous la neige. On pointe le nez dehors de la maison: le froid est poignant. Nous décidons que nous accélérons notre avancée à travers la montagne en faisant du stop. Un camion s'arrête pour nous emmener jusqu’à Arak. La montagne est magnifique sous la neige. Barzani, le turkmène qui conduit notre véhicule, nous installe confortablement à ses côtés. Le camion tremble et ne dépasse pas les soixante-quinze kilomètre par heure - cinquante en montée. Je discute avec Barzani sans vraiment comprendre ce qu’il me dit. Il parle en farsi, je lui répond en français - il ne me comprend pas non plus, mais c’est rigolo, on a bien ri ! Quand il crie sur une voiture ou un autre camion qui le dépasse, nous crions avec lui. On s’extasie devant les paysages de montagnes et les quatre heures passent finalement très vite. Le comble, c’est que j’ai mal aux fesses à la fin du voyage. 


Barzarmi notre conducteur et son bolide juste derrière


À Arak nous décidons d’aller à l'hôtel car nous avons besoin de rester seuls. Mais pour cela on nous demande de présenter un certificat de mariage, que nous arrivons à présenter malgré le fait que nous n’en avons pas un avec nous. C’est un peu pesant. Et puis ça ne manque pas, un monsieur, résidant à l'hôtel “pour affaires" nous dit-il, nous invite à prendre un verre - pas d’alcool, un thé ou un chocolat chaud. Ce soir là mon humeur balance entre plusieurs sentiments contradictoires: c’est pesant d'être dans un pays aux lois stricts - euphémisme - Inès porte son voile en permanence, il faut présenter un certificat de mariage, on sait que la police soupçonne tout touriste d'être un espion, et le plaisir de faire des rencontres, d’être aidé et accueilli facilement. Nous discutons ce soir-là de l’accord iranien. Plusieurs familles nous en avaient déjà parlé et espéraient une relaxation des sanctions. Notre interlocuteur meurt d’envie de pouvoir voyager, consulter librement internet et de profiter de produits venant de l’autre bout du monde.


Après cette nuit à l'hôtel, nous continuons notre voyage en vélo sous un grand soleil mais par -2 degrés, alors on se réchauffe dans les montées. La route est peu empruntée et bordée de mont enneigé magnifique. Quand le soir commence à tomber et aussi la température, nous rencontrons Mohamed dans son pick up bleu : il nous emmène chez lui, plus proche encore d’Ispahan. Nous restons une journée dans sa famille car le froid est encore plus fort le lendemain. Ohamed et sa femme veulent tout nous montrer dans leur village. Le musée, la mosquée, les tisseuses de tapis, le graveur sur plaque de métal… Je ronchonne du froid et de la fatigue mais au fond je suis heureux de découvrir cette culture si riche et des gens si savants.


Visite d'un caravanserail


Le lendemain, malgré l'insistance de notre hôte pour rester nous repartons: nous sommes si impatients d'arriver à Ispahan !  Le froid est si intense que je dois mettre les chaussettes d'Inès par-dessus mes gants. Elle s’est acheté des moufles à Istanbul, mais moi j’avais promis que jamais nous ne roulerions dans des conditions où nous aurions besoin de moufles. 


Nous pédalons sur le plateau iranien


Encore une nuit dans une famille, cette fois pro-gouvernement - gare à notre langage à propos des Américains - et c’est la journée finale. Le trafic infernal d'Ispahan ne diminue pas notre émotion d’être enfin arrivé !



Visite d’Ispahan de Chiraz et de Yazd

À Ispahan nous faisons une pause de quelques jours dans une auberge de jeunesse… presque vide. L’ambiance est plutôt triste. Le covid a largement restreint le tourisme dans la ville. Nous visitons Ispahan sous un beau soleil d’hiver. Le soir, nous profitons de la fin de la journée sur la place Naqsh-e Jahan, un des rares endroits de la ville sans la moindre voiture. Les commerçants du bazar rangent leur étale, la lumière baisse doucement et le muezzin appelle dans un chant qui nous paraît désormais familier. Un moment de grâce.


Après quelques jours de repos et de visite à Ispahan nous laissons nos vélos dans notre auberge et prenons le bus pour aller à Chiraz et à Yazd pour faire un peu de tourisme.


Le bazar d'Ispahan


Les vitraux de la mosquée "rose" à Chiraz. Elle n'est pas rose, mais elle est recouverte de roses peintes sur de la faïence.


Les toits de Yazd, la ville du désert


Retour direction Istanbul

L’expiration du visa, la fin de notre réserve de cash, et surtout la fatigue d’une semaine de tourisme - pour nous faire du tourisme est plus fatiguant que du vélo - font sonner l’heure du retour. Après la visite de ce pays magnifique, nous prenons le bus direction l’ouest : Istanbul.