"Ici c'est un pays avec du passage ! La Turquie fait la jonction entre l'Europe et l'Asie, il y a toujours eu beaucoup de voyageurs. C'est pour ça que les Turcs ont le sens de l'accueil."

- Emre, hôte à Silivri


L'académie du vélo

Après la Grèce, notre premier stop en Turquie est à Lüleburgaz dans un endroit merveilleux pour les cyclistes que nous sommes: l'académie du vélo. Un grand circuit qui zigzag, un atelier de réparation, une cafétéria, et une maison d'accueil pour les voyageurs forment ce lieu insolite ! Inanç, le boss de l'académie, nous accueille et nous fait visiter. Nous rencontrons Sascha, un autre cyclo-voyageur, allemand. Quand nous disons à Inanç que nous repartons demain: "Ah non ! Il est interdit de rester ici un seul jour !" s'exclame-t-il. Nous reconnaissons que c'est un soulagement, une bonne pause nous ferait du bien.


Inanç le boss de l'académie du vélo à Lüleburgaz


Le soir, nous dînons avec Sascha et Atif. Avec Sascha nous échangeons des souvenirs de voyage. Mais après quelques anecdotes toutes dans des pays différents, dont une concerne un passage en prison de deux mois en Papouasie, je ne peux m'empêcher de remarquer que notre nouvel ami semble avoir beaucoup voyagé. En effet, Sascha est "l'homme de moins de 50 ans qui a le plus voyagé au monde". J'apprends avec lui et Atif à jouer au backgammon.



Nous restons une petite semaine à l'académie. Tous les jours une raison de rester: "Demain il y a un concert ! Vous restez une journée de plus ?" "Demain je vous fais visiter la ville et ses académies !", "Oh il pleut... On reste encore un jour ?". Ce fut une semaine de repos pour les jambes et de partage avec Sascha, Atif et Inanç.


Istanbul

Après deux jours de vélo, nous arrivons à Istanbul. Tous les cyclistes qui ont pédalé jusqu'à cette ville mythique connaissent l'épreuve ultime que constitue l'arrivée: une gigantesque deux fois quatre voies, un bruit continu de voiture, l'odeur de la pollution, l'enfer du vélo. La nuit tombe vite en cette saison, nous nous faisons surprendre par l'obscurité. Du haut de cette route on aperçoit la ville qui s'étend à perte de vue, les lumières des immeubles et des commerces qui s'allument.



Je prends conscience de l'immensité de cette ville. Comme un gigantesque entonnoir, elle concentre autour d'elle tout le passage entre l'Europe et l'Asie.


Le soir, nous regardons le soleil se coucher sur le Bosphore depuis la terrasse de notre auberge.


Cinq jours ne furent pas suffisants pour prendre la mesure de cette ville gigantesque. Nous nous sommes plu à y déambuler de Aya Sofia à Karaköy en passant par le pont des pêcheurs et puis de l'autre côté du Bosphore à Kadiköy. On aurait pu y rester des semaines ! Mais il faut bien avancer.


La route vers la Cappadoce

La Cappadoce est une région au cœur de la Turquie, connue pour ses paysages volcaniques pittoresques. De grandes aspérités rocheuses dans lesquelles d'innombrables grottes ont été creusées par les différents peuples qui y ont vécu. Très tôt christianisée, la région regorge d'églises creusées aux peintures rupestres. Aujourd'hui, aucune de ces églises ne sont en activité, les chrétiens ayant quitté la région au début du 20ème siècle. La Cappadoce est aussi connue pour ses montgolfières qui décollent par centaines tous les matins.


Mais je commence par la fin: pour arriver dans cette région que nous souhaitions visiter, il nous a fallu traverser la moitié de la Turquie. De Yalova à Eskişehir, il faut grimper dans la montagne. Cinq jours éprouvants mais riches en rencontres.

Pendant ces cinq jours, nous prenons la mesure de la générosité turque: chaque soir dans les villages où nous nous installons on nous propose un endroit où dormir. Même lorsque nous cherchons à rester seuls en nous installant loin des villes, un berger vient s'asseoir près du feu et nous invite chez lui. Sur notre chemin il y a quelques petits magasins, mais on nous offre régulièrement des tomates, des concombres, des pommes et des biscuits. 


A Eskişehir nous faisons une pause de trois jours chez Aygu et Neco, deux hôtes warmshower. Nous participons avec eux au festival du vélo, un grand rassemblement des cyclistes de la ville.



L'objectif de cette manifestation est de demander plus de place aux vélos sur la voie publique inondée de voitures. On répond à une interview sur ce qu'on pense du vélo à Paris. Enfin, Murat, le président de l'association de vélo, nous fait visiter le quartier historique de la ville.


Nous prenons 10 jours pour pédaler de Eskişehir à Göreme en Cappadoce. A ce moment le froid arrive, la température tombe à -5 degrés pendant la nuit. Heureusement, pas un seul soir nous n'avons dormi dehors. Au café du village il y avait toujours une personne généreuse pour nous accueillir ou pour appeler le muhtar, le maire du village, et nous installer dans une salle commune. Sur le bord de la route, boutiquiers, paysans, ouvriers, bergers, nous ont invités à s'arrêter pour partager un thé avec eux.



Ce n'est pas toujours facile de communiquer avec nos hôtes. Quelques-uns, comme Omer, parlaient allemand avec Inès. D'autres, comme Arturo, parlaient un peu anglais, il fallait compléter avec des mimes et avec le traducteur de google. On a beaucoup parlé de nos familles, un peu de notre voyage et parfois de notre travail.



C'est parfois fatiguant de devoir toujours discuter avec de nouvelles personnes. Il faut être souriant, à l'écoute, répéter d'où l'on vient. Mais on a appris à aimer ça. Le début des rencontres est toujours le même: l'étonnement et l'admiration de notre interlocuteur. Ensuite on s'ennuie ou on ne se comprend pas, on rigole, on se partage des photos devant lesquelles on s'extasie. La suite et l'aboutissement de nos rencontres sont toutes différentes. Nous avons été parfois soulagés de quitter nos hôtes, parfois tristes et émus. Toujours, nous reprenons la route, et chaque jour de nouveaux visages entrent dans nos mémoires. J'en oublie beaucoup, quelques-uns restent.



Si en Suisse on n'avait d'autre choix que le camping, si en Italie il fallait souvent demander pour être hébergé, si en Grèce nous étions ignorés, en Turquie on nous salue tout le temps avec un grand sourire, et on nous invite tous les soirs.


En Turquie nous avons rencontré beaucoup de personnes généreuses.